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La dyspraxie : vous connaissez?

Publié le 18 janvier 2022

Selon certaines études, de 5 à 6% de la population générale serait dyspraxique avec un ratio de 2:1 (garçon : fille). (Blank et al. 2011). Ce handicap fait partie de ce que l’on appelle les troubles « dys »  au même titre que la dysphasie, la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie.

Ce handicap, dit invisible, peut occasionner de grandes difficultés. Dans tous ces cas, le préfixe « dys » est utilisé pour signifier qu’il y a un élément qui n’est pas fonctionnel. Dans le cas présent, il s’agit des praxies.

Qu’est-ce qu’une praxie?

Une praxie est une fonction qui permet la coordination volontaire des mouvements […]. Chaque geste qui compose une tâche de la vie courante demande une programmation mais également des informations (kinesthésiques, proprioceptives et vestibulaires) sur la position des membres dans l’espace, leur tonus et la vitesse d’exécution afin de permettre des ajustements fins du mouvement et du contrôle postural. Au fur et à mesure des apprentissages, les gestes de la vie quotidienne sont de plus en plus automatisés, la vitesse de réalisation et la précision augmentent […] Pour l’enfant qui souffre de dyspraxie, chaque nouveau geste de la vie quotidienne, qu’il soit simple ou complexe, demande un effort démesuré, et pourtant il reste maladroit, malhabile.¹

Définition de la dyspraxie

Le Trouble Développemental de la Coordination (TDC – DSM-5), aussi connu sous l’appellation de la dyspraxie motrice ou le TAC (Trouble de l’Acquisition de la Coordination – DSM-IV-TR), est un trouble neurodéveloppemental qui affecte la capacité à planifier, à organiser et à automatiser les gestes moteurs pour réaliser une action. En d’autres mots, c’est une difficulté à effectuer les bons mouvements² dans la bonne séquence. Ce n’est pas un manque d’intelligence. Le cerveau apprend et en vient à connaître les gestes à poser pour réaliser une tâche x. Toutefois, les signaux neurologiques qui commandent les gestes moteurs ne sont pas complètement fonctionnels. L’enfant, d’une fois à l’autre, aura de la difficulté à organiser un plan d’action, intervertira des étapes, ou aura oublié certains gestes à poser.

Différents types de dyspraxie

Il existe deux types de dyspraxies. Tout d’abord, la dyspraxie verbale, qui affecte la communication. La bouche, les lèvres, la langue ne se placent pas de la même façon d’une fois à l’autre. Alors, les mots se déforment et certaines fois, même des parties de phrases peuvent s’inverser.

Il existe aussi ce qu’on appelle la dyspraxie motrice. Cette dernière concerne l’exécution des gestes et la capacité à les réaliser dans une bonne séquence. Les deux conditions peuvent exister individuellement. Ainsi, un enfant pourrait être atteint d’une seule forme de dyspraxie. Il arrive aussi qu’un enfant soit atteint des deux formes. Son pronostic sera alors plus sévère.

La dyspraxie motrice illustrée

Source: www.pixabay.com

Source: www.pixabay.com

Pour mieux comprendre, prenons l’exemple du jeune enfant en apprentissage de la descente d’escaliers. Un enfant au parcours normal sera guidé par son parent et cet apprentissage se réalisera somme toute aisément. Après quelques maladresses, il finira par dévaler les marches à toute vitesse. Pour un enfant dyspraxique, cette réalisation représente une montagne. Le parent enseigne à son enfant comment y arriver encore et encore, sans cesse et peine à y parvenir. Il doit décortiquer chacun des gestes : appuyer son poids sur la jambe en équilibre, plier et avancer le genou de l’autre jambe, descendre, appuyer le poids sur la jambe, faire la même chose avec l’autre jambe et encore recommencer.

Maman et papa le feront tellement de fois que ces derniers pourront avoir l’impression de ne jamais y arriver. L’enfant, d’une fois à l’autre, a oublié, il ne sait plus comment s’y prendre, il a l’impression que ses jambes ne l’écoutent pas. Il développera des peurs, refusera de descendre, se laissera tomber sur ses fesses et à force d’acharnement des parents, finira très, très tranquillement à organiser et automatiser les gestes pour réaliser cette action. Il y parviendra certainement, mais avec une quantité incroyable d’efforts répétés. Et ce n’est rien encore, l’enfant aura seulement appris à descendre les deux pieds sur une même marche à la fois. Il lui restera à faire l’apprentissage de la descente un pied, une marche, l’autre pied, l’autre marche.

Différents symptômes et troubles associés

La dyspraxie motrice n’est pas une maladie et elle ne se guérit pas. Comme tous troubles, les symptômes sont permanents. Les niveaux de sévérité atteints peuvent être différents d’un individu à l’autre. Peu importe le niveau d’atteinte, les conséquences psychologiques sont importantes. La dyspraxie motrice impose à l’enfant un stress élevé et permanent. Pour arriver à compenser, à suivre le rythme, l’enfant doit faire plus d’efforts, il dépense une grande quantité d’énergie. Aussi, il sera épuisé plus vite qu’un autre, certaines fois cela le conduira à développer colère et anxiété.

La dyspraxie motrice se présente rarement seule. Il y a très souvent un ou plusieurs troubles associés:

  • Trouble de la modulation sensorielle;
  • Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA avec ou sans H);
  • Trouble d’ordre émotionnel (opposition, impulsivité et/ou anxiété);
  • Trouble du langage;
  • Trouble de la parole;
  • Trouble spécifique des apprentissages (dyslexie, dyscalculie, dysorthographie, etc.).

Généralement, lorsqu’un enfant a une dyspraxie motrice, plusieurs sphères de sa vie seront affectées : son quotidien, sa vie scolaire, sa vie affective et ses loisirs. Il sera alors possible d’observer les éléments suivants:

  • L’enfant apprend à marcher tardivement;
  • Il trébuche souvent, ou autrement dit, il s’enfarge dans les fleurs du tapis;
  • Il a de la difficulté à tenir ses ustensiles;
  • Il se salit beaucoup en mangeant;
  • Il a de la difficulté à s’habiller;
  • Il met souvent ses vêtements à l’envers;
  • Il peine avec les boutonnières et les fermetures éclairs;
  • Il a de la difficulté avec la préhension du crayon et des ciseaux;
  • Son écriture est souvent large, illisible, en vague et à l’extérieur des trottoirs du cahier;
  • Il a de la difficulté à manipuler les ballons, les balles;
  • En général, les sports sont un défi, surtout ceux d’équipe;
  • Il peine à apprendre à aller à vélo;
  • Etc.

« Assez souvent, il y aura une présence persistante de maladresse motrice, d’une lenteur d’exécution des gestes moteurs, de désorganisation des tâches à exécuter et d’un manque de fluidité des gestes moteurs. »³

Comment se pose le diagnostic

Le diagnostic de dyspraxie motrice (trouble développemental de la coordination) est donné par un médecin, souvent un pédiatre. Celui-ci, pour en arriver à un tel constat, doit procéder à une série d’examens détaillés pour éliminer les causes médicales possibles de ces difficultés. Un ergothérapeute évaluera les difficultés motrices de l’enfant et l’impact de ces difficultés sur l’autonomie quotidienne et les nouveaux apprentissages. Au besoin, une équipe multidisciplinaire composée de différents professionnels (travailleur social, psychologue, orthophoniste, psychoéducateur) peut être requise s’il est soupçonné la présence de conditions associées.

Au Québec, lorsqu’il y a un diagnostic médical d’émis, l’enfant est admissible à recevoir des soins de réadaptation par le réseau public de santé. La dyspraxie motrice est reconnue en tant que déficience physique et une demande pourra alors être déposée auprès d’un centre régional de réadaptation physique.

Lors de la réadaptation, l’enfant sera appelé à consulter différents spécialistes. L’ergothérapeute et le physiothérapeute sont au centre des interventions.  Selon la nature des besoins, orthophoniste, éducateur spécialisé, travailleur social et autres pourraient aussi être appelés en renforts. Pour tous, le but est le même, aider l’enfant à automatiser certains gestes moteurs, l’aider à développer des trucs afin de contourner des difficultés et le soutenir émotivement.

¹ Amanda KIRBY et Lynne PETERS. 100 idées pour aider les élèves dyspraxiques, Éditions Tom Pousse, union européenne, 2007, page 11 et 12.
² Julie PHILIPPON. Laisse-moi t’expliquer… La dyspraxie, Éditions Midi Trente, Québec, 2015.
³ SOS dyspraxie www.sosdyspraxie.com
[ER1]La prévalence citée le plus fréquemment dans la littérature est de 5 à 6% de la population générale avec un ratio de 2:1 (garçon : fille). (Blank et al. 2011)

Ressources et références

Sites web

* Association québécoise pour les enfants dyspraxiques www.dyspraxie-aqed.ca
* SOS dyspraxie www.sosdyspraxie.com

Livres

  • Julie PHILIPPON. Laisse-moi t’expliquer… La dyspraxie, Éditions Midi Trente, Québec, 2015.
  • Sylvie BRETON et France LÉGER. Mon cerveau ne m’écoute pas : comprendre et aider l’enfant dyspraxique, Éditions du CHU, Ste-Justine, Québec, 2007.
  • France LÉGER et Pierre DALCOURT. La dyspraxie de l’enfant : vos grandes questions, nos meilleures réponses, Éditions SOS Dyspraxie, Sherbrooke, 2012.
  • Caroline HURON. L’enfant dyspraxique : mieux l’aider à la maison et à l’école, Éditions Odile Jacob, France, 2011.
  • Amanda KIRBY et Lynne PETERS. 100 idées pour aider les élèves dyspraxiques, Éditions Tom Pousse, union européenne, 2007.

Article scientifique

Blank, R., Smits-Engelsman, B., Polatajko, H., & Wilson, P. (2012). European Academy for Childhood Disability (EACD): Recommendations on the definition, diagnosis and intervention of developmental coordination disorder (long version)*. Developmental Medicine & Child Neurology, 54(1), 54-93.